CIR : LA LANGUE DE BOIS DE LA DIRECTION
En ces temps d’austérité budgétaire, l’émission télévisée Complément d’Enquête s’est intéressée aux multinationales, « les (vraies) assistées de la république » : 211 milliards d’euros d’aides publiques versées en 2023 selon un rapport du Sénat. Parmi ces multinationales, figure Capgemini. Le reportage montre notamment comment Capgemini, qui a touché 71 millions d’euros au titre du CIR (Crédit d’Impôt Recherche), détourne le CIR pour payer des salarié·es en intermission, dont les activités n’ont pourtant pas grand-chose à voir avec la R&D.
En CSEC, la CGT interpelle la direction sur ces pratiques douteuses, voire même frauduleuses. La direction, « droite dans ses bottes », réplique qu’elle n’a jamais eu de redressement fiscal sur le CIR de la part de l’État : et pour cause, le reportage montre que les contrôles étatiques sont souvent de simple formalités pour les grandes entreprises !
La CGT rappelle que Capgemini est la 1ère ESN européenne, qu’elle est très rentable (elle a réalisé un résultat net de 1,671 milliard d’euros en 2024), et trouve donc scandaleux que l’entreprise bénéficie d’argent public. Elle demande le montant et le détail de l’ensemble des aides publiques touchées par Capgemini, le CIR en représentant sûrement une petite partie, avec les exonérations massives de cotisations sociales, les subventions sur la formation, sur l’alternance, etc. La direction renvoie aux documents fiscaux officiels qu’elle publie, ou ces éléments ne figurent pas pour la plupart.

PLM EN PLS
Rappel, la direction veut regrouper au sein d’une même structure les salarié·es travaillant sur l’activité PLM (Product Lifecycle Management) : 385 salarié·es Apps de Capgemini TS iront ainsi rejoindre 361 salarié·es de Capgemini ER&D.
L’expertise pointe une différence significative de salaire entre les 2 groupes de salarié·es : 14 % de moins pour les salarié·es de ER&D.
L’expertise démontre que cet écart de salaire ne s’explique ni par une différence d’âge (l’âge moyen est a peu près le même), ni par une différence d’ancienneté (l’ancienneté est à peu près équivalente), ni par une différence géographique (la répartition des salariéEs entre IdF et région, les salaires sont traditionnellement plus bas en région qu’en IdF, diffère peu). Cet écart de salaire est principalement du à une politique salariale différente entre Apps et ER&D : ER&D est la partie « low cost » de l’UES Capgemini.
La direction ne veut surtout pas entendre parler de rattrapage salarial. Or, sans enveloppe dédiée, les augmentations salariales prévues sur ER&D risquent d’aller prioritairement aux 13 % de salarié·es ER&D travaillant sur PLM, qui sont mal payé·es par rapport à leurs collègues venant de Apps, et ainsi tous les autres salarié·es de ER&D seront pénalisé·eS. La CGT explique que le montant de cette enveloppe est facile à calculer : 6000 euros en moyenne de différence salariale multiplié par 361 salarié·es, cela fait un budget annuel d’environ 2 millions d’euros. La direction s’étrangle : pas question pour elle de lâcher ce « pognon de dingue ». Elle est rassurée par l’avis voté par la majorité du CSEC qui évoque un vague plan d’harmonisation salariale.
ESTER EN JUSTICE CONTRE LA DIRECTION : CE NE SERA PAS ENCORE POUR CETTE FOIS !
En juillet, le secrétaire du CSEC avait pressé le CSEC de rendre un avis sur la partie APA (Apport Partiel d’Actif) du projet PLM, alors que le rapport d’expertise avait établi que la direction n’avait pas fourni les documents requis. En septembre, ce même secrétaire demande au CSEC d’ester en justice contre la direction pour le manque de ces documents.
Là-dessus, coup de théâtre, la direction envoie rapidement un certain nombre de documents au CSEC. Dans la foulée, sans prendre le temps d’analyser ces documents, pour la plupart des documents de comptabilité analytique pas simples à appréhender par le commun des mortels (des élu·es), le CSEC vote très majoritairement une motion, sur proposition de son secrétaire, pour abandonner la procédure judiciaire à l’encontre de la direction.
La CGT déplore cette navigation à vue, qui dessert profondément les intérêts des salarié·es. Pour la CGT, le CSEC n’aurait pas du rendre d’avis en juillet sur l’APA PLM : voir notre flash CGT CSEC de juillet. Le CSEC aurait du poursuivre l’action en justice jusqu’à son terme. Avant de rendre un avis, le CSEC aurait du recourir à un complément d’expertise pour analyser les documents fournis par la direction et juger de leur bien fondé ou non par rapport à l’APA.

Sur les déplacements professionnels, l’objectif 2024 était une diminution de -5,5 % en tonnes de CO2 émises par salarié·e par rapport à 2023. Selon les chiffres de la direction, le résultat n’a été que de -2,2 %. La principale cause, ce sont les réunions internationales du groupe, qui concernent surtout les cadres dirigeants. Pour 2025, la direction s’est bien gardée de tailler dans les ACE et autres kick-offs, elle a tout simplement aligné son objectif sur le réalisé de 2024 ! De plus, elle a changé le thermomètre : il ne s’agit plus maintenant de calculer le nombre de TCO2 par salarié·e mais le total de TCO2 pour l’ensemble des salarié·es de chaque pays.
La direction reconnaît que son objectif est purement financier, il ne faut pas dépasser l’enveloppe prévue : la suppression de l’inégalité salariale femme homme attendra ! Devant l’indignation des élu·es, elle rappelle que le montant de cette enveloppe (il est très bas, 0,04 % de la masse salariale !) est fixé par l’accord égalité pro. Quand la CGT pointe la responsabilité des organisations syndicales signataires de cet accord, la direction… prend leur défense. Même en prenant des critères d’application plus justes (des groupes de salarié·es plus grands, basés sur la codification de la convention collective et pas sur les grades Capgemini, des seuils d’écart moyen pondéré par groupe bien moins élevés, etc.), la méthode des comparatios exclue forcément des groupes, alors que rien ne permet de supposer que les femmes qui sont dans ces groupes ne sont pas sous-payé·es par rapport à leurs collègues hommes.
Quelques exemples. L’article « sécurisation de l’espace de travail » stipule que un·e salarié·e « est responsable de la sécurisation de son espace de travail physique et virtuel, individuel et collectif » : donc y compris l’espace de travail collectif ? Dans l’article « accès au système d’information et au réseau », il est interdit à un·e salarié·e de se connecter à un réseau client avec un pc fourni par Capgemini : comment dans ces conditions les salarié·es en clientèle peuvent ils, pendant leurs heures de travail, remplir les multiples tâches administratives imposées par Capgemini ? Les articles « Messagerie professionnelle et utilisation d’internet » et « Utilisation des réseaux sociaux et des sites/espaces ouverts » sont assortis d’un tas d’interdictions supplémentaires : rappelons que chaque salarié·e a la possibilité d’en avoir une utilisation personnelle sur son lieu de travail et dispose d’un droit à la liberté d’expression au travail.
Dans les flashs CGT CSEC des mois derniers, nous avions évoqué les différentes briques de la grosse réorg globale et mondiale baptisée Pxcell : dans le désordre, « getsuccess », « people manager », « taxonomie », « unified grades », « professionnal communities », « replicon », réorg des services RH, etc. Sous couvert de standardisation et de normalisation à l’échelle du groupe, ces projets sont déployés à marche forcée en ce début d’année, tout en n’étant pas finalisés, et pas adaptés à l’environnement d’un pays comme la France. De plus ils constituent un chamboulement complet des conditions de travail pour l’ensemble des salarié·es, notamment un changement d’équipe, de manager, d’interlocuteur (en premier lieu un robot, en second lieu un support offshore) et présentent une menace grave de RPS (risques psycho-sociaux). Même la direction semble appréhender des RPS. Et elle a une solution, faire appel à un cabinet extérieur, Oasys, dirigé par une certaine Myriam El Khomri. Oui, il s’agit bien de l’ancienne ministre du travail de Hollande, chargée d’appliquer la fameuse loi travail de 2016, laquelle a constitué une grave régression sociale et fait descendre dans la rue des centaines de milliers de salarié·es. On est mal barré·es !



Pour résumer (cf flash CGT CSEC de septembre 2024), la partie « taxonomie », c’est la réorg de l’ensemble des Business Lines (BL), avec leur normalisation au niveau mondial et leur découpage en practices et sub-practices (minimum 100 salariés), la partie « people manager » c’est la mise en place d’un management unique de proximité, avec la suppression des « career manager ». La direction affirme que ce sont 2 projets indépendants qui avancent en parallèle, « taxonomie » serait organisationnel, alors que « people manager » serait RH. L’expertise commandée par le CSEC l’infirme : les 2 projets sont bien liés et appartiennent tous les deux au mégaprojet Pxcell.