BILAN ET PERSPECTIVES DU GROUPE
Nous en parlions dans notre flash CGT CSEC de juin, la direction avait refusé de présenter les orientations stratégiques du groupe (au niveau monde), expliquant que cela ne faisait pas partie des prérogatives du CSEC, lesquelles ne portent que sur la France et sur l’UES Capgemini (sans l’UES Altran donc). L’expertise commandée par le CSEC fournit dans son rapport des éléments concernant le positionnement de Capgemini sur le marché mondial.
En 2023, Capgemini occupait la 5e place sur le marché mondial des services IT (hors support hardware et Iaas, ou Capgemini n’est pas présent), loin derrière le 1er acteur américain et mondial Accenture, talonnant TCS (1er acteur indien), Deloitte (1er acteur mondial dans le conseil) et le dinosaure américain IBM. Avec une croissance organique en phase avec l’évolution du marché ces dix dernières années, dans un marché mondial très fragmenté géographiquement et très segmenté sectoriellement, le groupe a globalement renforcé son positionnement. Ses points forts sont la zone EMEA (Europe Moyen-Orient Afrique, ou il occupe la 2e place) et les services applicatifs (avec 4,9 % de parts du marché mondial, il est le 6e acteur mondial). Il connaît quelques faiblesses dans la zone Amériques (10e acteur seulement) et dans les secteurs du Conseil (avec seulement 0,6 % du marché mondial qui connaît une croissance à 2 chiffres) et des services Infra (0,7 % du marché mondial).
Au niveau profitabilité, Capgemini a augmenté progressivement son taux de marge opérationnelle qui est passé de 11,5 % en 2016 à 13,3 % en 2023. En 2023, Capgemini est la plus profitable des grandes ESN européennes, même si elle l’est moins que les grandes ESN américaines (qui vendent à des tarifs plus élevés) ou indiennes (qui ont des coûts salariaux plus faibles). Sans surprise, le groupe a réalisé cette bonne performance aux dépens de ses salarié·es : la hausse des salaires a été contenue à 2 % par an en moyenne entre 2018 et 2022, soit bien en dessous de l’inflation dans les différents pays ou Capgemini est implanté, ce qui a entraîné une baisse de pouvoir d’achat pour la grande majorité de ses salarié·es ; depuis 2022 la croissance des effectifs est devenue inférieure à celle du chiffre d’affaires, ce qui a sûrement engendré une surcharge de travail et une dégradation des conditions de travail. Toujours sans surprise, les profits sont allés aux actionnaires : les dividendes et rachats d’actions sont ainsi passés de 518 millions d’euros en 2018, soit 45 % du free cash flow, à 1145 en 2023, soit 74 % du free cash flow. Il faut dire que l’actionnariat est composé à 84 % de sociétés d’investissement, de fonds de pension, de banques, etc., qui en veulent toujours plus. Le principal actionnaire est américain, la Massachusetts Financial Services Co., qui possède un peu plus de 5 % des actions.
Depuis le 3e trimestre 2023, le chiffre d’affaires du groupe diminue, la direction espère une reprise au 4e trimestre 2024. Grace à un bon 1er semestre, Capgemini a réalisé +4,4 % en 2023, un peu en dessous de l’évolution du marché (+5,8 %). Pour 2024, la direction a révisé ses objectifs à la baisse, elle table maintenant sur une baisse autour de -1 %, alors qu’elle avait prévu en début d’année une légère hausse. C’est très en dessous du marché mondial qui est prévu en hausse de +7 %, tiré par la reprise en Amérique du Nord et par les technologies cloud, cyber et IA (+15 % à 20 % de croissance annuelle).
Pour 2025, la direction prévoit une croissance de +7 % à +9 % du chiffre d’affaires, en phase avec l’évolution du marché, et un taux de marge opérationnelle en hausse à 14 %. Sans surprise, elle compte tenir ses objectifs en pressurant un peu plus ses salarié·es : baisse de l’inter-contrat, « modération salariale » (en poursuivant le rajeunissement de la pyramide des âges), recours accru à l’offshore, etc.
Il n’existe pas d’orientations stratégiques pour la France, chaque entité de l’UES Capgemini, Invent, Infra, Ingénierie, et pour Appli, chacune de ses 5 sous-entités, a ses propres orientations stratégiques. Pour être bref, notons que Capgemini est la 1ere ESN sur le marché français, loin devant Sopra Steria et Accenture, elle occupe notamment la 1ère place dans les services applicatifs, la 2e dans les services infrastructures (derrière Orange), mais seulement la 10e dans le Conseil.
LE TALENT DEVIENT DAILY
“ La direction confesse qu’il est difficile de trouver l’information recherchée dans Talent.
Daily, c’est le nouveau portail intranet du groupe, qui remplace Talent. La CGT demande une consultation du CSEC : il s’agit d’un changement d’outil de travail, utilisé régulièrement, sinon quotidiennement (cela devrait être le cas pour Daily !) par l’ensemble du personnel. Les autres organisations syndicales restent muettes. La direction refuse, disant à demi mot qu’il s’agirait seulement d’un changement de nom. La présentation très succincte qu’elle en fait en réunion l’infirme : Daily aura un moteur de recherche perfectionné (la direction confesse que c’est difficile dans Talent de trouver l’information que l’on recherche), aura de nouvelles fonctionnalités (un réseau social interne, avec trois niveaux de communautés !), etc. Et puis surtout une consultation du CSEC aurait eu le mauvais goût de reporter le déploiement de Daily qui est prévu pour la France le 22 octobre et qui a déjà annoncé en grande pompe par la direction à l’ensemble du personnel.
HACKING DE CAPGEMINI : CHUT !
Un site spécialisé en cybersécurité a révélé que le groupe Capgemini avait été hacké début septembre. Plus précisément, 20 Go de data comprenant des données sensibles comme des identités de membres du personnel, des clés, du code source, etc., auraient été dérobés à la filiale indienne de Capgemini. La CGT interroge la direction, notamment pour savoir si cela concerne du personnel français du groupe. Dans un 1er temps, la direction répond qu’elle n’a pas eu de communication interne à ce sujet. Puis, après s’être renseignée ( ?), elle explique qu’il s’agirait d’un serveur de développement chez une entreprise tiers, que les impacts sont très faibles, voire nuls. Mais le service cybersécurité de l’entreprise continue à investiguer ! Enfin la direction conclut que ces informations sont confidentielles et ne figureront pas dans le procès-verbal de la réunion.
LA GROSSE RÉORG
La direction présente 2 projets groupe qu’elle voudrait déployer en France début 2025. En haut de la pyramide, le projet que la direction a baptisé « taxonomie » consiste en une normalisation de l’organisation des Business Lines (BL) au niveau monde, avec une subdivision en practices (basées sur des critères essentiellement géographiques, pays ou groupes de pays) et en subpractices (découpées en plusieurs niveaux le plus souvent par domaine de compétences). L’objectif, ce n’est pas seulement de faire joli sur l’organigramme, c’est, et la direction ne s’en cache pas, de gagner encore plus de pognon, en réduisant les délais et les coûts internes, en favorisant les synergies entre pays et entre structures du groupe.
En bas de la pyramide, un projet qui nous concerne toutes et tous beaucoup plus directement, consiste en la mise en œuvre d’un nouveau management de proximité, le people manager. Le PM (People Manager), rien à voir avec le PM (Project Manager, qui reste) ou avec le PM (Practice Manager, qui disparaît) sera le futur « petit chef ». Il encadrera 4 à 10 salarié·es., dont il sera le principal interlocuteur. Il suivra le temps de travail, il approuvera les congés, il fera passer l’entretien annuel d’appréciation, il fixera les priorités, il s’occupera de leur évolution de carrière (il remplacera le career manager), du développement de leurs compétences, de leur formation, etc. Le tout, en conservant ses anciennes missions et en ne disposant pas d’un temps de travail dédié pour cette nouvelle mission. Et il recueillera aussi les récriminations sur le salaire, mais là sans aucun pouvoir décisionnel.
La présentation de la direction est très brève et très générale. Et elle est très insuffisante pour déterminer les impacts croisés des 2 projets, auxquels il faut ajouter 2 autres projets de la direction qui sont aussi dans les tuyaux, les Unified Grades et les Professional Communities. Espérons que les expertises commandées par le CSEC permettront d’y voir un peu plus clair. La direction explique que, dans tous les cas, il n’y a pas de modification des conditions de travail pour les salarié·es : même salaire (Ah si la direction pouvait baisser nos salaires, gageons qu’elle ne s’en priverait pas !), même grade, même métier, même site de rattachement géographique, etc. Quant au changement de structure (subpratice) et au changement de manager, la direction estime sûrement que c’est un détail, alors que cela va concerner probablement la grande majorité des salarié·es.