SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL : ENCORE BEAUCOUP DE PAIN SUR LA PLANCHE
Le DUERP (Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels) est obligatoire dans toutes les entreprises. L’employeur doit y identifier, analyser, et classer l’ensemble des risques pour la santé et la sécurité rencontrés par les salariés·es dans leur activité professionnelle. Dans une ESN comme Capgemini, cela concerne notamment les RPS (Risques Psycho-Sociaux) induits par l’organisation du travail (management toxique), les TMS (Troubles MusculoSquelettiques) liés à l’aménagement des lieux et des postes de travail, le harcèlement sexuel, les incendies, le télétravail, etc.).
Le PAPRIPACT (Programme Annuel de Prévention des RIsques Professionnels et d’Amélioration des Conditions de Travail) est obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salarié·es. L’employeur doit y détailler les mesures de prévention qu’il compte prendre, en précisant un calendrier, des moyens humains et matériels, des indicateurs de résultats, etc.
Inutile d’insister sur l’importance, pour la santé et la sécurité des salarié·es, du DUERP et du PAPRIPACT. La CGT avait demandé qu’il y ait 2 consultations du CSE, puisqu’il s’agit de 2 documents différents, même si le PAPRIPACT s’appuie sur le DUERP. La CGT avait aussi demandé le recours à une expertise, le sujet étant très vaste et parfois complexe. La CGT n’a pas été suivie par la majorité du CSE.
La motion adoptée par le CSE liste un nombre considérable de problèmes : absence de bilan des Services de Prévention et de Santé au Travail, absence de PPR (Plans de Prévention des Risques, pour les salarié·es Capgemini intervenant sur les sites clients), pas de liens avec les PCA (Plan de Continuité d’Activité) et les PRA (Plan des Reprise d’Activité), des documents trop généraux qui ne tiennent pas compte de la spécificité de chaque site, pas d’évaluation des risques induits par les champs électromagnétiques, etc. Et comme l’ont fait remarquer les élu·es CGT, cette liste n’est pas exhaustive : manque de suivi des mesures de prévention, budgétisation peu
crédible, le CSE n’est pas informé des visites de sites, des accidents du travail, etc.
Malgré tous ces manques, la majorité du CSE a rendu un avis favorable sur les documents présentés par la direction. La CGT a souligné que c’était incohérent et a voté contre.
QUELQUES INFORMATIONS FISCALES INTÉRESSANTES
La direction a l’obligation de communiquer annuellement au CSE la liasse fiscale de l’entreprise. Ici, il s’agit de l’entité juridique Capgemini TS, qui englobe les périmètres Infra et Appli. La direction s’est bien gardée de présenter le document en séance : il faut dire qu’il s’y trouve quelques informations fiscales édifiantes. D’autant plus si celles-ci sont suivies sur plusieurs années : 2021 l’année des résultats « historiques », 2020 l’année de la « crise » liée au covid, 2019 l’année record d’avant la « crise ».
Le chiffres d’affaires de Capgemini TS s’est élevé à 2,7 milliards d’euros en 2021, en progression de 7,4 % par rapport à 2020 et de 2,5 % par rapport à 2019. La masse salariale n’a augmenté en 2021 que de 4,9 % par rapport à 2020. Ce qui explique en partie l’envolée du bénéfice net en 2021, 87 millions d’euros, +80 % par rapport à 2020, et tout de même +31,8 % par rapport à 2019.
Capgemini TS a un niveau très élevé de sous-traitance : son coût représente plus de la moitié de la masse salariale ! S’il a baissé en 2020, il est reparti de plus belle en 2021, +5,1 % par rapport à 2019. Ceci illustre la stratégie de la direction de recourir de plus en plus à l’off shore (Inde, Pologne, etc.) pour profiter des bas salaires et faire encore plus de bénéfices.
La politique de la direction de fermeture de sites et d’entassement des salarié·es dans une surface immobilière de plus en plus restreinte « a porté ses fruits ». Les coûts des locations immobilières ont diminué de 8,5 % entre 2021 et 2019 !
À noter que Capgemini TS va payer des impôts sur les bénéfices sur 2021, environ 20 millions d’euros : +1,2 % par rapport à 2019 alors que, nous l’avons vu, le bénéfice net a augmenté de 31,8 % entre 2021 et 2019. L’entreprise n’avait pas payé d’impôts en 2020 : ces derniers avaient été entièrement effacés par les 11 millions d’euros
de CIR (Crédit d’Impôt Recherche) octroyés par l’État sans aucun contrôle. Bref, tout cela illustre bien la politique du gouvernement favorable aux grandes entreprises.
Le bénéfice net est calculé après déduction des fameux « fees », ces transferts d’argent des filiales nationales vers le groupe au niveau monde. Il s’agit en fait d’une forme d’évasion fiscale, certes légale dans le système actuel, qui sert à rémunérer grassement les cadres dirigeants et à engraisser les actionnaires. Capgemini TS va ainsi verser 116,5 millions d’euros de « fees » pour 2021, soit 4,4 % de son chiffre d’affaires : à comparer au bénéfice net officiel de 87 millions d’euros ou à l’impôt sur les bénéfices de 20 millions d’euros. À noter que les « fees » étaient encore plus importants en 2020, année de « crise », alors que le chiffre d’affaires et le bénéfice étaient en baisse. En plus de ces « fees », il y a aussi les 48 millions d’euros de dividendes d’actions versés en 2021 à la holding…
Bref, comme dit le slogan, de l’argent, il y en a dans les caisses du patronat et l’entreprise a largement les moyens financiers d’augmenter les salaires pour toutes et tous.
DÉCLARATION CGT AU CSE INFRA DU 21 AVRIL 2022
UNE VICTOIRE POUR SYLVAIN G. ET POUR LA CGT
Sylvain G., élu CGT au CSE Capgemini Infra, a reçu par courrier de la direction en date du 29 janvier 2021, une mise en demeure de cesser un « comportement totalement inapproprié et portant gravement atteinte au fonctionnement de l’instance ». Un comportement que la direction qualifie d’« atteinte manifeste aux droits des autres représentants du personnel et au respect des principes démocratiques ».
L’objectif de la direction est clair : faire taire Sylvain G., le museler dans son activité syndicale, l’empêcher d’exercer librement son mandat de représentant du personnel au service des salarié·es. La direction n’ignore sans doute pas le rôle important joué par notre camarade dans la saisie par la CGT de l’inspection du travail qui a débouché le 4 mai 2021 sur la condamnation par la justice de l’entreprise Capgemini TS, pour non-respect du droit au repos des salarié·es intervenant lors de
périodes d’astreintes.
Sylvain G., accompagné par la CGT, saisit l’inspection du travail. Par courrier du 26 mars 2021, l’inspection du travail de Grenoble répond, après enquête, que « les agissements de Monsieur G. soient susceptibles de constituer ni une entrave, ni un abus dans le cadre de ses missions ». Et elle conclue : « Par suite des éléments ci-dessus, pris ensemble, et en l’état, je dois noter qu’existe un lourd faisceau d’indices sur l’existence de motivations susceptibles d’être liées à une volonté de représailles,
dans l’émission de cette « mise en demeure » – dont je note par ailleurs qu’elle est adressée à la personne du représentant du personnel, et non au syndicat au nom duquel il est élu et désigné ». La direction de Capgemini n’a pas sanctionné les propos diffamatoires et vexatoires tenus par le président du CSE à l’encontre de Sylvain
G. mais a confirmé sa mise en demeure. Sylvain G., toujours soutenu par la CGT, a saisi le Conseil des Prud’hommes le 25 mai 2021.
Plusieurs élu·es du CSE, n’appartenant pas à la majorité qui gère le CSE Infra, ont produit des témoignages en faveur de notre camarade, reconnaissant son implication, son respect de l’instance, sa connaissance du cadre légal, et son engagement pour les conditions de travail et la défense des salarié·es. Quant à la direction, elle a pu compter sur le soutien des organisations syndicales, CFDT, FO et CFTC, qui font partie de la majorité de gestion du CSE : chacune d’elles a fait une déclaration
utilisée par la direction dans la procédure. Le représentant syndical CFDT, Frédéric B. et le représentant syndical CFTC, Guy L., ont même tenu à produire des témoignages individuels contre Sylvain G. et contre la CGT.
Ce qui en dit long sur la collusion de certaines organisations syndicales avec la direction, surtout lorsqu’il s’agit de s’attaquer à un représentant du personnel qui remplit plus que correctement son mandat et qui n’est pas de la même étiquette syndicale.
Le 31 mars 2022, la Cour d’Appel de Grenoble a ordonné la suspension de la mise en demeure. Son jugement constitue une victoire claire et nette pour Sylvain G. et pour la CGT Capgemini. Ainsi, la cour indique, à propos de l’employeur, qu’ « aucune disposition légale ou réglementaire ne l’autorise à exercer un pouvoir de police
et, le cas échéant, de sanctions dans le cadre restreint du fonctionnement du comité économique et social ; prérogative qu’il s’arroge pourtant clairement dans cette lettre, en relayant les plaintes émises par certaines organisations syndicales et la direction de l’entreprise ».
Elle écrit aussi qu’ « une telle mise en demeure constitue incontestablement un trouble illicite à raison du fait que l’employeur se prévaut à tort de prérogatives qu’il n’a pas en qualité de président du comité économique et social pour faire cesser un abus allégué de comportement et dans son expression d’un des membres dudit comité mais encore, en ce qu’il manque également à son devoir de neutralité ».