Les Tradwives (Trad pour “traditional” et wives pour “housewives”, comprendre des épouses traditionnelles) sont ces nouvelles femmes au foyer qui le revendiquent haut et fort, notamment sur les réseaux sociaux, devenu un moyen d’expression privilégié de ce milieu (notons la dissonance cognitive liée à l’utilisation de ces réseaux pour ces personnes qui, nous le verrons, prônent un retour en arrière assez drastique) avec de très nombreux contenus notamment sur le réseau social Chinois TikTok.
La seconde vague du féminisme démarre en Europe et aux USA dans les années 1960-1970. Des centaines de milliers de femmes se soulèvent, manifestent et revendiquent, et enfin, les avancées sociales sont nombreuses pour les femmes dans ces pays : droit d’ouvrir un compte bancaire, droit à la contraception, légalisation de l’IVG, droit de divorcer, etc.
Mais en parallèle, la culture Tradwife (qui ne porte pas encore son nom) commence à prendre de l’ampleur en réaction à ces mouvements émancipateurs. C’est un livre, reprenant des pamphlets des années 20, qui va coucher ce mouvement sur le papier : “Fascinating Womanhood”, rédigé par Helen Andelin. Ce livre s’écoule assez rapidement en revendiquant que la solution aux mariages difficiles n’est surtout pas l’émancipation et le féminisme, mais le le retour à des valeurs traditionnelles : il faut être à disposition de son mari pour lui permettre de travailler et que sa vie à la maison ne soit que repos à son retour.
On voit bien déjà les problématiques posées par ces préceptes : les femmes ne seraient pas capables de s’émanciper autrement qu’au bras et au service de leur mari. Cette vision traditionnaliste et genrée des rôles confine les femmes à des tâches ménagères domestiques et à la garde des enfants, limitant fortement leur autonomie et leur émancipation. Ce refus de la diversité relègue les femmes à un rôle sociétal secondaire : il n’est pas question que la femme moderne, qui choisit de travailler ou de voyager, de faire ou non des enfants, et parfois d’en faire toute seule, puisse exister dans cette vision rétrograde de la société. Malgré un grand nombre de « Fascinating Womanhood » vendus, ce mouvement néotraditionaliste reste relativement en marge de la société. Il faut attendre la fin des années 2010 pour voir son retour.
Avec la démocratisation des réseaux sociaux et l’élection de Donald Trump, des influenceuses Tradwives commencent à gagner en popularité, et tantôt grimées en pinup des années 50, tantôt en paysanne traditionnelle, elles diffusent des vidéos dans lesquelles elles expliquent que la place des femmes est à la maison, à s’occuper de leur mari, de leurs enfants, de leur maison et de leur cuisinede la bonne santé des membres du foyer. Elles ne doivent surtout pas sortir de chez elles, et doivent prendre soin d’elles.
En France, c’est Thais d’Escufon qui prodigue depuis peu ces “conseils” à destination des femmes, en parallèle de conseils aux hommes pour les séduire. On voit là toute la perméabilité avec les idées d’extrême-droite : avant de devenir influenceuse elle était militante pour génération identitaire, et se revendique toujours d’appartenance au milieu de l’ultra-droite.
Bien que nos écrits concernent un mouvement féminin et à destination des femmes, nous ne sommes pas dupes : ce sont les hommes qui permettent à ces préceptes datés d’être mis en valeur. Ce sont eux qui font le choix d’orienter les femmes vers ce rapport de domination patriarcal. Les influenceuses ne sont que les messagères d’un discours essentiellement pensé par et pour les hommes. Ce sont les hommes qui permettent à ce mouvement et à ces contenus d’exister. Nous ne pouvons pas mettre en défaut ces femmes qui créent ces contenus : elles le font dans le cadre de notre société mondialisée qui est excessivement patriarcale.
Nous ne remettons pas en cause le choix que font certaines femmes de rester chez elles pour s’occuper de leur maison : il faut que cela soit un choix émancipateur, volontaire, et dans le but de se servir soi avant les autres. A la CGT, nous pensons que chaque femme doit disposer de son corps pour l’utiliser comme elle le souhaite sans être au service de personne. Et nous pensons que nos revendications permettraient justement à des femmes de faire ce choix en pleine conscience, et non plus uniquement pour satisfaire à des normes sociétales rétrogrades et une volonté qui n’est pas la leur. Et cela permettrait peut-être également de poser la question de la place des hommes dans ce rôle, qui ne devrait plus être genré uniquement au féminin.
Cela nous touche dans notre milieu de la tech majoritairement masculin : plus de 70 % de salariés de Capgemini sont des hommes. Il y a fort à parier qu’avec une égalité réelle face à l’accès à ces métiers encore largement perçus comme masculins, nous aurions plus de femmes ingénieures et architectes systèmes, et plus d’hommes au foyer. Pour mener ce combat toutes & tous ensemble, rejoignez l’appel à la grève et à la manifestation féministe du 8 mars pour que la lutte pour les droits des femmes et leur émancipation dans notre monde de la tech ne soit plus qu’un lointain souvenir !