GRADES UNIFIÉS : DIVISER POUR RÉGNER ?
C’est un projet groupe, dont le déploiement en France sera achevé pour avril 2025. Chaque salarié·e Capgemini a aujourd’hui un « grade global », A, B, C, D, E ou F. Il s’agit de décliner ce « grade global » en « grade unifié », A1 à A5 (seulement A4 et A5 pour les salarié·es en CDI), B1 et B2, C1 et C2, D1 et D2, etc. Les « grades unifiés » existent déjà en grande partie chez Invent et chez Infra.
Ce grade, aujourd’hui « grade global », demain « grade unifié », est une notion purement Capgemini. Il n’a pas de valeur à l’extérieur de l’entreprise. Il n’est pas corrélé à la classification de la convention collective BETIC qui régit le marché du travail des ESN.
On observe d’ailleurs un extrême étalement des grades Capgemini par rapport aux coefficients BETIC : ainsi le grade A s’étend sur 13 coefficients BETIC, du plus bas des Etam jusqu’à 2.2-130 cadres, les grades B et C sur 12 coefficients chacun, etc. Il n’est pas non plus lié à une grille de salaire : on observe d’ailleurs une grande disparité des salaires au sein d’un grade dans une même entité. Signalons qu’à chaque coefficient BETIC correspond un salaire minimum, ce qui n’est pas le cas pour le grade Capgemini.
Les plus candides pourraient imaginer que, comme il y aura plus de grades, il y aura mécaniquement plus souvent un passage au grade supérieur pour chaque salarié·e, et donc plus souvent une augmentation de salaire, puisqu’une promotion entraîne automatiquement une augmentation de salaire. En fait, ce sera sûrement le contraire. Comme aujourd’hui, le passage au grade supérieur sera décidé par la hiérarchie, en fonction de l’appréciation qu’elle se fait de « la maturité et des compétences » du salarié·e, bref cela risque d’être comme d’habitude à « la tête du client ».
Surtout, le critère d’ancienneté ne sera plus pris en compte, ce qui fait qu’un·e salarié·e pourra rester très longtemps au même grade, et donc vraisemblablement sans augmentation de salaire. Bref, au-delà de l’affichage sur la normalisation au niveau du groupe, le passage de 6 « grades globaux » en 12 « grades unifiés » va accentuer et rigidifier les divisions entre salarié·es Capgemini :
DIVISER POUR MIEUX RÉGNER !
EGALITÉ PRO : ANATOMIE D’UNE CHUTE
Un nouvel accord sur l’égalité pro entre les femmes et les hommes est en cours de négociation au niveau de l’UES Capgemini. L’inégalité salariale est toujours d’actualité, l’objectif de la direction n’étant pas de supprimer complètement les écarts de salaire entre les femmes et les hommes mais de faire rentrer les rattrapages annuels de salaire dans une somme insuffisante et fixée à l’avance.
Néanmoins, le CSEC a commandé une expertise sur l’outil utilisé dans l’accord actuel pour identifier les écarts de salaire entre les femmes et les hommes. Cet outil, dite « méthode des comparatios », est une usine à gaz qui comporte beaucoup de trous dans la raquette. Par exemple, il exclut d’office les sous-groupes de salarié·es qui sont composés de moins de 5 hommes et de moins de 5 femmes. Il écarte les sous-groupes qui ont un écart salarial moyen pondéré inférieur à 5 %. Et surtout il constitue ces sous-groupes sur la base du grade Capgemini, qui n’a pas de lien avec le salaire, et pas sur la classification de la convention collective BETIC, dont chaque coefficient a un minimum salarial.
Enfin il est urgent de changer de méthode afin de recenser TOUS les écarts de salaires entre les femmes et les hommes au sein de Capgemini. Et il est indispensable de consacrer une enveloppe suffisante pour éradiquer définitivement les inégalités salariales.
COMMUNAUTÉS PROFESSIONNELLES : L’ARBRE QUI CACHE LA FORÊT
Là encore, c’est un projet groupe, dont le déploiement sur la France est prévu pour février 2025. Il consiste à rattacher officiellement chaque salarié·e à au moins l’une des 25 communautés professionnelles qui ont été définies par la direction au niveau mondial.
Aussi, les communautés existantes, qui ne concernent que certains métiers et qui fonctionnent de façon très disparate, seront reprises, sous une forme à définir. Plus généralement il s’agit de généraliser et d’harmoniser le fonctionnement des communautés professionnelles dans l’entreprise. L’objectif est peut-être louable, mais la direction ne prévoit pas de moyens : il n’y a par exemple pas de budget et pas de temps de travail dédiés à l’animation d’une communauté professionnelle. Comme le dit le rapport d’expertise, c’est du « bénévolat ».
Rituel de la direction, elle avance masquée. Son projet, qu’elle présente comme étant centré sur les communautés professionnelles, cache en fait un projet plus global de changement complet de référentiel métier, avec le déploiement d’une nouvelle cartographie mondiale basée sur 98 familles de métiers et 312 « rôles » déclinés en 1071 « rôles gradués » (avec différents niveaux du « rôle », liés au grade global). Il ne s’agit pas seulement de rattacher un·e salarié·e à une communauté professionnelle, il s’agit aussi d’affecter à chaque salarié·e un « rôle gradué »…
Bien évidemment la hiérarchie décidera du nouveau « rôle » attribué au salarié·e. Si iel n’est pas d’accord avec le « rôle » qui lui a été attribué, iel aura un délai max de de 5 jours pour saisir une commission de conciliation dans laquelle siégeront des personnes représentant la direction, mais pas de représentantion du personnel. La direction n’a pas jugé bon de communiquer aux représentant·es du personnel la table de correspondance entre les anciens « rôles » et les « nouveaux « rôles ». Est-ce utile de préciser que ce référentiel métier Capgemini n’est pas calqué sur celui de l’OPIIEC ? (Observatoire des métiers du numérique, de l’ingénierie, du conseil et de l’événement, qui dépend de la convention collective BETIC).
Résultat, quasiment 100 % des salarié·es vont donc changer de « rôle ». Un détail pour la direction, puisqu’il n’y aurait, au moins dans l’immédiat, pas d’impact opérationnel. Pour les salarié·es, c’est une préoccupation supplémentaire, génératrice de RPS (risques psycho-sociaux), d’autant plus que ce projet s’ajoute de façon concomitante à d’autres projets de la direction qui modifient les conditions de travail, comme par exemple le projet « grades unifiés » (voir ci-dessus), les projets « taxonomie » et « people manager » dont nous vous parlions dans le flash CGT CSEC de septembre 2024.
Enfin, au-delà de l’affichage sur la standardisation au niveau du groupe, l’objectif est de faciliter la sous-traitance interne entre entités de Capgemini et le cross-staffing entre filiales de différents pays. Pour réduire l’inter-mission et dégager encore plus de bénéfices, ce qui, c’est bien connu, profitera essentiellement aux actionnaires.